A Real Pain : itinéraire d’une histoire familiale en Pologne

A Real Pain : itinéraire d’une histoire familiale en Pologne

Par Flavie Thouvenin

L’hiver s’installe, les journées raccourcissent… Et si vous partiez en voyage sans quitter votre fauteuil ? Direction la Pologne avec A Real Pain, comédie dramatique réalisée par Jesse Eisenberg et sortie en 2024. Aux côtés de Kieran Culkin, l’acteur et réalisateur embarque le spectateur dans un road trip intime, souvent drôle, parfois mélancolique, au cœur d’un pays dont les villes et les paysages portent les traces de l’Histoire, mais qui ne se résume pas à son passé.

Scène du film A Real Pain : les deux cousins , David et Benji, face au monument de l'Insurrection, à Varsovie.
Benji et David face au monument de l'Insurrection à Varsovie © 2024 SEARCHLIGHT PICTURES

Deux cousins, deux mondes

Benji et David n’ont rien en commun, ou presque. L’un, hypersensible et imprévisible, est une véritable tornade d’émotions ; l’autre, plus réservé, représente l’archétype du jeune homme anxieux, époux et père de famille rangé. Pourtant, les deux cousins décident d’entreprendre un voyage en Pologne sur les traces de leur grand-mère récemment décédée : une sorte de pèlerinage familial, qui agit comme un révélateur.

À leur arrivée à Varsovie, ils rejoignent un “Jewish Heritage Tour”, organisé par une agence spécialisée dans les lieux de mémoire liés à l’Holocauste. Une forme de tourisme de mémoire en plein essor, loin de l’idée que les voyages ne seraient qu’affaire de détente, et dont Jesse Eisenberg tire une satire subtile, parfois piquante, des comportements touristiques… avec des accents qui rappellent certains films de Woody Allen.

Le groupe de voyageurs forme une petite communauté éphémère : un couple de retraités américains, une femme divorcée, un survivant du génocide rwandais converti au judaïsme… Chacun porte sa propre douleur. Et les tensions surgissent vite, surtout lorsque Benji, au franc-parler sans filtre, vient déranger l’équilibre du groupe, et la tranquillité de son cousin ! Mais derrière les querelles, le film interroge des questions profondes : qu’hérite-t-on de sa famille ? Comment vit-on avec ce que l’on n’a pas vécu soi-même ? Et qu’est-ce qu’un voyage peut changer dans sa vie, dans la façon de se raconter ?

La Pologne, témoin silencieux

Le film se déploie comme un itinéraire touristique : Varsovie d’abord, puis Lublin, Majdanek, et enfin Krasnystaw, la ville natale de la grand-mère disparue. À Varsovie, les lieux emblématiques – le Monument aux héros du ghetto, la place Grzybowski ou encore le Mémorial de l’insurrection – installent le ton : l’Histoire s’impose, mais sans didactisme.

À Lublin, le vieux cimetière juif et le centre Brama Grodzka, à l’emplacement de l’ancienne Porte juive, racontent une autre Pologne, plus intime. Un dîner traditionnel dégénère en scène quasi vaudevillesque, révélant par la comédie les failles familiales. Puis vient Majdanek, ancien camp de concentration et d’extermination, où le film suspend son humour et laisse place à un silence nécessaire. C’est là que l’émotion affleure, jamais exagérée, toujours juste.

La photographie signée Michal Dyme, lui-même natif de Varsovie, donne à la Pologne un visage rarement montré au cinéma : chaleureux, coloré, vivant. Le pays n’y apparaît pas comme un décor figé, mais comme un espace traversé par le temps, encore marqué par les cicatrices, mais tourné vers l’après. La musique de Chopin accompagne le voyage sans l’alourdir et renforce la dimension sensible du film.

Scène extraite du film A Real Pain : David et Benji mangeant en terrasse à Varsovie.
Benji et David à Varsovie © 2024 SEARCHLIGHT PICTURES
Le monument de l'Insurrection à Varsovie
Le monument de l'Insurrection à Varsovie © Image by Silviu on the street from Pixabay

Une comédie douce-amère

Inspiré en partie de l’histoire familiale de Jesse Eisenberg,  A Real Pain aborde la question du traumatisme transgénérationnel, du deuil, de la culture juive habitée par la Shoah… mais le fait avec une étonnante délicatesse. Le film n’appuie jamais son propos : il fait le choix de la tendresse et de la justesse plutôt que du pathos.

Ce qui le porte, ce sont d’abord les acteurs – un duo aussi attachant qu’improbable – et son écriture fine du quotidien. Le film parle des familles, de ce qui se transmet malgré soi, de la douleur que chacun porte différemment. C’est une comédie douce-amère, modeste, mais profondément humaine, qui pose une question simple : peut-on vraiment comprendre son histoire sans quitter son confort ?

Un film qui donne envie de partir, peut-être aussi pour revenir autrement… 

Et si, après l’avoir vu, vous vous laissiez tenter par un voyage en Pologne… ce ne serait sans doute pas un hasard !

L'affiche officielle du film A Real Pain
L’affiche française du film © 2024 SEARCHLIGHT PICTURES
Le monument aux Héros du ghetto, à Varsovie
Le monument aux Héros du ghetto, à Varsovie © Bernard Gotfryd
La porte Grodzka, dans la vieille ville historique de Lublin
La porte Grodzka, dans la vieille ville historique de Lublin © Image by volfer3 from Pixabay

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