Europe

La vieille Europe est toujours jeune et continue d’attirer des visiteurs venus du monde entier puiser aux sources d’une culture universelle. L’Europe est riche et diverse : redécouvrez-la avec Arts et Vie !

525 voyage(s) trouvé(s)
Grande-Bretagne
Fiche pays – Grande-Bretagne

La Grande-Bretagne, de Shakespeare aux Beatles

Par Marie Lagrave

De l’autre côté de la Manche, à quelques heures de train de Paris, la Grande-Bretagne vous invite à un dépaysement total. Une capitale foisonnante et éclectique, des compagnes bucoliques ponctuées de charmants jardins à l’anglaise, des landes sauvages à la beauté singulière, et partout, de grands châteaux et de belles demeures qui retracent l’histoire de la monarchie anglaise… Au fil de ses 4 nations (Angleterre, Écosse, pays de Galles et Irlande du Nord) au caractère bien trempé, c’est un voyage tout en contrastes qui vous attend : Shakespeare ou les Beatles, pubs à l’ambiance enflammée ou tea time royal, pourquoi choisir ?

CARTE D’IDENTITÉ

Capitale : Londres

Superficie : 246 690 km2

Nombre d’habitants : 67 886 000 habitants (en 2020)

Fuseau horaire : GMT en hiver et GMT+1 en été (une heure de décalage horaire avec la France)

Monnaie : la livre sterling (GBP)

Langues : l’anglais est la principale langue officielle, mais plusieurs langues régionales sont également reconnues : le cornique, le gaëlique écossais, le scots, le gaëlique irlandais, le scots d’Ulster, et le gallois

Météo : la Grande-Bretagne est réputée pour son climat pluvieux et ses températures fraîches par rapport aux nôtres, mais d’importantes disparités existent. Le climat au sud est bien plus doux qu’au nord, et l’est reste généralement plus sec que l’ouest. En outre, les pluies sont souvent de courte durée et, grâce au Gulf Stream, les hivers sont rarement très froids.

LES INCONTOURNABLES DE LA GRANDE-BRETAGNE

Le British Museum à Londres

Bien sûr, la capitale regorge de musées prestigieux : la National Gallery, les Tate Modern et Tate Britain, le Victoria and Albert Museum, le Museum d’histoire naturelle… Mais s’il fallait choisir de n’en visiter qu’un seul, ce serait sans doute vers le British Museum que se porterait notre choix. C’est l’un des plus grands musées au monde, et ses collections, d’une richesse et d’une diversité sans pareilles, permettent de retracer 2 millions d’années d’histoire au travers des 6 continents. Les collections égyptienne et gréco-romaine, notamment, sont tout à fait exceptionnelles et renferment de véritables trésors de l’histoire de l’humanité, comme la pierre de Rosette ou les fresques du Parthénon.

Les universités d’Oxford et de Cambridge

Les deux plus anciennes et prestigieuses universités du Royaume-Uni méritent amplement une visite. Fondées respectivement à la fin du XIe et au début du XIIIe siècle, elles accueillent encore aujourd’hui des milliers de brillants étudiants venus du monde entier. Si Oxford a su conserver son architecture principalement gothique, où l’atmosphère médiévale est toujours perceptible ; Cambridge présente des styles plus éclectiques : gothique, baroque et néo-classique s’y côtoient. À Oxford comme à Cambridge, néanmoins, collèges, cloîtres, chapelles, bibliothèques et musées se succèdent et nous plongent dans les plus hauts lieux du savoir britannique.

Les vestiges de l’abbaye de Fountains et le parc de Studley Royal

Dans le Yorkshire, tout près de la petite ville de Ripon, se trouve un site doublement fascinant. On y trouve tout d’abord les impressionnants vestiges de l’abbaye cistercienne de Fountains, fondée en 1132, témoignant de l’opulence du lieu aux XIIe et XIIIe siècles. Par la suite, afin de sublimer cet endroit déjà spectaculaire, fut créé au XVIIIe siècle le parc paysager de Studley Royal. D’époque géorgienne, c’est l’un des plus somptueux jardins d’eau d’Angleterre. Ses canaux et bassins, ses cascades et statues offrent une superbe perspective sur les ruines de l’abbaye. L’ensemble est aujourd’hui classé à l’Unesco.

Le Royal Mile d’Édimbourg

Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, la ville d’Édimbourg, capitale de l’Écosse, ravira les amateurs de vieilles pierres. Le Royal Mile, artère principale de la vieille ville (Old Town), en est le cœur historique. Nommé ainsi en raison de sa longueur, équivalente à un ancien mile écossais (1,814 km), il est encadré par le château d’Édimbourg, ancienne demeure des rois d’Écosse, et par le palais de Holyrood, actuelle résidence officielle de la famille royale d’Angleterre. Constitué en réalité d’une succession de rues (Castle Esplanade, Castle Hill, Lawnmarket, High Street, Canongate et Abbey Strand), le Royal Mile est parsemé de monuments emblématiques (la cathédrale Saint-Gilles, le parlement…) et de ruelles étroites, les “closes”, dans lesquelles l’ambiance médiévale de la ville se fait particulièrement ressentir.

Le château d'Urquhart surplombant le Loch Ness Écosse Grande-Bretagne arts et vie
Le château d’Urquhart surplombant le Loch Ness © S. Meillet

Le Loch Ness et les ruines du château d’Urquhart

Mythique, c’est le premier mot qui nous vienne à l’esprit lorsqu’il s’agit d’évoquer le Loch Ness, que les contes et légendes ont entouré de mystère. Au cœur des Highlands, dans un paysage à couper le souffle, composé de montagnes majestueuses, d’étroites vallées encaissées et de forêts sauvages, le plus connu des lochs d’Écosse s’étend sur 39 km de long, pour à peine 3 km de large. Les superbes ruines du château d’Urquhart, qui veillent sur le loch depuis plus de 1 500 ans, complètent ce tableau enchanteur qui bruisse encore des récits d’autrefois. En scrutant la surface des eaux, peut-être vous semblera-t-il apercevoir le fameux monstre qui habiterait les profondeurs du loch…

 

LE COUP DE CŒUR DE NOTRE SPÉCIALISTE

Yann Prunier, forfaitiste

« La City de Londres, poumon économique du pays, fourmille de buildings modernes et derniers cris réalisés par les plus grands architectes. Surplombant la Tamise, la tour du Sky Garden a des allures d’immense “talkie-walkie”. Elle offre une vue panoramique fascinante sur la capitale dans un cadre inattendu : un magnifique jardin tropical vous attend en haut de ses 160 mètres. Après avoir fait le plein de sensations sur la terrasse extérieure, on peut profiter d’un moment de détente en buvant un verre au Sky Pod en attendant le coucher du soleil. »

Découvrir tous les circuits Arts et Vie en Grande-Bretagne

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Italie
Chefs-d’œuvre en péril #1 – Italie

par Emmanuelle Bons

Si la crise climatique, les questions énergétiques et l’urgence de repenser les pratiques touristiques occupent une large part de l’espace sociétal, il reste parfois difficile de saisir les conséquences concrètes et à courts termes de ces problématiques. Arts et Vie vous propose donc un tour du monde des trésors culturels mis en danger par la main de l’homme afin de poser un regard lucide et éclairé sur la planète. Loin de tout pessimisme, cette série d’articles a pour ambition de sensibiliser et d’alerter sur l’importance d’agir ensemble à tous niveaux pour freiner des phénomènes que l’on espère réversibles.

Il faut sauver Venise

La première étape de notre parcours à la rencontre des sites culturels en danger sera tout simplement Venise. Toute proche de nous, la cité des Doges vient rappeler la fragilité de certains patrimoines et l’ampleur de la tâche à accomplir. Victime de sa beauté, de son prestige mais aussi des troubles climatiques qui déséquilibrent les écosystèmes, la Sérénissime mène aujourd’hui de multiples actions qui, on peut l’espérer, sauveront la ville d’une mort annoncée.

À lire également : notre fiche pays sur l’Italie

“On a fait couler tellement d’encre sur Venise qu’elle se noie” (Sylvain Tesson)

Durant des siècles, la cité des Doges fascina tous ses visiteurs par son faste et sa magnificence. Mais tant de beauté l’a rendue vulnérable. En 1966, le monde découvrit avec effroi que la Sérénissime courait un véritable danger. Cette année-là, une inondation record – le niveau d’eau monta d’1,96 m – provoqua un vent de panique au sein de la population, mais aussi une véritable prise de conscience de la fragilité de la ville. Si Venise a toujours connu des périodes d’acqua alta 8 à 10 fois par an en fonction de l’intensité des marées, de la pression atmosphérique ou de la force du vent, le phénomène s’est fortement accentué en l’espace d’un siècle et l’eau vient maintenant recouvrir quais et places une bonne centaine de fois entre septembre et avril.

Cette montée des eaux inquiétante n’est que la conséquence visible de plusieurs facteurs naturels et humains qui ont pris une ampleur considérable. Tout d’abord, la nature des sols de Venise entraîne un tassement inéluctable de l’ensemble des terrains, de 4 cm par siècle ; à cela s’ajoute l’affaissement dû au pompage, les cinquante dernières années, de la nappe phréatique par les industries environnantes ; et l’augmentation générale du niveau de la mer et des océans de la planète. Le tout cumulé, les experts ont mesuré une élévation des eaux de près de 23 cm depuis 1897 !

Outre les dégâts les plus visibles et les plus dramatiques pour les Vénitiens, obligés d’évacuer régulièrement habitations et commerces, les conséquences de ce phénomène sont très lourdes pour la ville. Le niveau de l’eau dépassant à présent la partie des murs isolée grâce à la pierre d’Istrie, elle vient maintenant s’immiscer dans la brique, beaucoup plus poreuse, où elle dépose des cristaux de sel qui la rongent de l’intérieur. Les fastueux palais et les monumentales églises se trouvent donc menacés par une érosion que le remous causé par les bateaux à moteur amplifie considérablement.

Opération de sauvetage

Si l’inondation historique du 4 novembre 1966 fut un événement déclencheur dans la prise de conscience de l’opinion publique internationale, les réactions concrètes mirent des décennies à se mettre en place. En 1973, le gouvernement italien déclara le problème de Venise “intérêt national prioritaire” et un concours d’idées fut lancé pour tenter de remédier de façon durable à cette noyade attendue.

Il fallut cependant attendre 2003 pour que débute un chantier colossal, visant la construction d’immenses barrages mobiles immergés au niveau des trois embouchures de la lagune vers l’Adriatique. Ce projet, nommé MOSE (MOdulo Sperimentale Elettromeccanico), devrait permettre de “fermer” la lagune pour quelques heures, voire quelques jours, en cas de montée des eaux trop importante. Cependant, ce programme, qui s’est achevé en 2020 et qui coûta des milliards à l’État fut, et est toujours, sujet à de nombreuses controverses. Beaucoup considèrent que ces portes mobiles ne sont qu’une solution très éphémère à un problème qui ne fait que croître avec le temps.

De plus, bloquer le passage des eaux de la lagune vers la mer pendant une période relativement longue posera sans doute des problèmes d’oxygénation de l’eau et d’évacuation des eaux usées, naturellement effectuées par les marées. Il convient d’ajouter en outre que les fleuves venus des Alpes, qui se déversent dans la lagune, risqueraient de faire également monter le niveau si leur évacuation vers l’Adriatique se trouvait obstruée ! À ces considérations techniques s’ajoutent également des questions purement politiques, dans un pays souvent en proie à de violentes polémiques.

L’adieu aux géants des mers

Durant des décennies, il n’était pas rare en flânant place Saint-Marc de se retrouver nez-à-nez avec la façade colossale et immaculée d’un paquebot géant venus effleurer palais et églises. Des bateaux de croisière dépassant parfois plusieurs centaines de mètres de long osaient en effet autrefois traverser le canal de la Giudecca jusqu’au plus près de la célèbre basilique, pour permettre à ses passagers d’admirer les trésors de Venise sans même mettre un pied à terre.

Or les experts ont démontré que le remous des hélices et la pollution de l’air et des eaux générés par ce type d’embarcation faisaient courir un réel danger à cette cité si fragile. À titre d’exemple, en 2017, les 68 plus gros navires de tourisme qui ont traversé la ville ont relâché 27 tonnes d’oxyde de soufre, connus pour acidifier les environnements terrestres et aquatiques. De quoi alerter les autorités, inquiète de la survie de la cité.

Heureusement, depuis le 1er août 2021, les bateaux de plus de 25 000 tonnes n’ont plus le droit de traverser le centre historique de Venise et sont contraints de s’amarrer dans le port industriel de Marghera. Après une lutte qui aura duré près d’une dizaine d’année, un simple décret du président du conseil italien, déclarant le canal de la Giudecca “monument national”, aura suffit à mettre fin à ce chassé-croisé.

À présent seuls les plus petits bateaux, d’environ 200 passagers, pourront continuer à accoster. Une règle très restrictive et courageuse lorsque l’on songe que les croisières génèrent 400 millions d’euros par an de revenus au niveau local. Cependant, la pression que l’Unesco a exercé sur la ville en menaçant de la classer sur la liste du patrimoine en péril n’est sûrement pas étranger à cette mesure. Ce répertoire bien peu flatteur aurait nuit à l’image de la ville et certainement engendré une perte de recettes sur le long terme.

Retrouvez tous les voyages Arts et Vie à Venise

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Belgique
Une escapade en Belgique sur les pas de Jan van Eyck

« Jan van Eyck : une révolution optique »

Par Mathilde Briot

Alors que s’ouvre bientôt au Rijksmuseum d’Amsterdam une grande exposition dédiée à Vermeer, fortement attendue par tous les férus de peinture, je me souviens avec émotion d’une autre exposition-évènement, à laquelle j’ai eu la chance de pouvoir aller avec Arts et Vie. En 2020 se tenait en effet à Gand la plus grande exposition jamais consacrée à cet autre peintre flamand incontournable : « Jan van Eyck : une révolution optique ». À cette occasion, trois escapades Arts et Vie étaient programmées entre février et avril… Mais, rappelez-vous, le monde était alors inquiet et suspendu à l‘évolution de la crise sanitaire. La Covid se répandait et nous attendions les masques, espérions les vaccins… bref, dans ce contexte, sur les 25 inscrits, nous étions finalement seulement 14 téméraires et passionnés à partir pour l’escapade programmée du 10 au 13 mars 2020…

Groupe Arts et Vie à Gand
Groupe Arts et Vie à Gand © L. Domenach

Gand et Jan van Eyck

Le polyptyque de L’Adoration de l’Agneau mystique de Van Eyck, dans la cathédrale Saint-Bavon à Gand © L. Domenach

Les deux premiers jours de cette escapade étaient consacrés à la découverte de Gand. Parmi les multiples merveilles de cette ville étaient notamment prévues les visites de la cathédrale Saint-Bavon – qui conserve le fameux polyptyque de L’Adoration de l’Agneau mystique peint par Van Eyck – et du musée des Beaux-Arts, dans le cadre de cette fameuse exposition.

L’exposition du musée des Beaux-Arts débutait par une présentation de la restauration des volets extérieurs du polyptyque, avec notamment les volets intérieurs originaux, Adam et Ève, dont la nudité et le réalisme ont longtemps fait scandale. Les deux panneaux ont en effet d’abord été enlevés et cachés, puis remplacés par une copie les représentant habillés, et ce n’est que très récemment que le polyptyque a retrouvé son apparence originelle.

La suite de l’exposition permettait d’observer la technique et les perspectives de l’artiste à travers plusieurs autres tableaux, mais également de comparer ses oeuvres à celles de ses contemporains. Cette exposition était véritablement exceptionnelle : alors que seules une vingtaine d’œuvres de Van Eyck sont conservées dans le monde, au moins la moitié d’entre elles avaient fait le voyage jusqu’à Gand. Elles y côtoyaient des œuvres de l’atelier de Van Eyck et des copies de tableaux aujourd’hui disparus, mais aussi plus de 100 chefs-d’œuvre du bas Moyen Âge. Non moins de treize salles du musée des Beaux Arts avaient été réaménagées à cet effet.

Et surtout, ce 11 mars 2020, nous étions très peu nombreux dans les salles. Le guide du musée a ainsi pu passer du temps à nous commenter les tableaux, en insistant sur des détails, parfois minuscules, que nous n’aurions bien sûr pas pu apprécier s’il y avait eu foule. Ce fut ainsi une visite quasi-privatisée de l’exposition, qui nous permis de profiter d’une extraordinaire proximité avec les œuvres du grand maître flamand. Nous étions aux anges !

Bruges et le coronavirus

Après Gand, notre escapade s’est poursuivie à Bruges dont nous avons pu arpenter le centre-ville le troisième jour de notre circuit. Le virus se montrait cependant de plus en plus menaçant et la Belgique a alors annoncé fermer ses restaurants pour le lendemain soir, le 13 mars à minuit, pour une durée de trois semaines. Cette annonce n’impactait à priori pas la suite de notre programme puisque notre retour à Paris était prévu en fin d’après-midi. Nous étions donc toujours très optimistes et nous nous réjouissions à l’idée de visiter les musées Memling et Groeninge dans les mêmes conditions que l’exposition Van Eyck.

Le 13 mars, pour notre dernier jour donc, nous nous sommes rendus avec notre guide au musée Memling pour son ouverture à 9 h 30, et patatras ! Sans aucun panneau indicatif, les portes du musée sont restées fermées… ainsi que celles du Groningemuseum. La fermeture des musées, sans annonce officielle, précédait en fait celles des restaurants ! Nous avions donc été extrêmement chanceux avec l’exposition Van Eyck car elle avait, quant à elle, fermé prématurément ses portes dès le 12 mars.

Place Jan van Eyck, à Bruges © L. Domenach

Il nous fallait cependant occuper notre journée jusqu’au soir, sans un seul musée ouvert. Notre guide a alors confirmé son professionnalisme et sa connaissance de la ville : « Les musées sont fermés ? Eh bien, nous visiterons les églises ! »

Nous avons ainsi découvert la cathédrale Saint-Sauveur, l’église Saint-Basile et l’église Saint-Jacques, dont plusieurs tableaux pourraient eux aussi figurer dans les musées : La légende de sainte Lucie (1480) d’un primitif flamand anonyme, le triptyque Van Joos van Belle (1556) de Pieter Pourbus, l’épitaphe de Van Zeger van Male (1578) peinte par Pieter Pourbus, et une Vierge à l’enfant de Luca della Robbia. Ces œuvres ont ainsi permis à notre guide de nous rappeler les liens entre « l’Italie » et les Flandres.

Notre dernier jour fut ainsi totalement chamboulé par l’actualité sanitaire, mais brillamment aménagé par notre guide. Et puis Bruges n’étant pas si loin, il nous suffira d’y revenir quand les musées rouvriront ! Nous avions au moins pu profiter de l’exposition-évènement Van Eyck, qui, elle, ne sera sans doute pas réorganisée de sitôt !

Nous sommes rentrés comme prévu le 13 mars au soir à Paris, tous enchantés par cette escapade. Le 14 mars au soir, les restaurants fermaient en France et le confinement généralisé démarrait le 17 mars… nous avions alors tout le temps de revoir l’exposition avec la visite virtuelle proposée par le musée des Beaux-Arts (encore visible aujourd’hui).

 

Découvrir nos circuits en Belgique et aux Pays-Bas : Sur les traces des maîtres flamands, Flâneries flamandes, Couleurs et peintures hollandaises

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Italie
Recette de panforte, pour un Noël aux saveurs de Toscane

Le panforte, pour un Noël aux saveurs de Toscane

Par Marie Lagrave

Parmi nos diverses réjouissances liées aux célébrations de fin d’années, il en est une qui prend une place toute particulière, ravissant petits et grands : le repas de Noël (voire, bien souvent, les repas de fêtes). À cette occasion, bien souvent cuisiniers et cuisinières se plient en quatre pour composer un véritable festin aussi riche que savoureux. Chez Arts et Vie, fidèles à notre amour des cultures du monde entier, nous vous proposons d’aller jeter un coup d’œil aux traditions culinaires à l’extérieur de nos frontières afin de puiser de l’inspiration pour vos menus...

Vue sur la piazza del Campo, à Sienne
Vue sur la piazza del Campo, à Sienne © F. Pouchucq

La gastronomie italienne, dont on n’osera ici rappeler les mérites, s’invite très fréquemment dans nos assiettes au quotidien, mais peut aussi apporter un soupçon d’originalité et un subtil parfum d’ailleurs à nos traditionnelles dindes aux marrons et buches glacées. Si le panettone a ainsi depuis longtemps traversé la frontière des Alpes (et bien d’autres) pour s’installer à nos tables en période de fêtes, on trouve cependant beaucoup moins facilement en France de panforte, sorte de nougat aux fruits confits et aux épices, originaire de Sienne. Ce « pain fort », au goût très parfumé, est pourtant dégusté au moment de Noël depuis le Moyen Âge en Toscane. Facile à réaliser, cette petite douceur pourra sans mal faire patienter les plus gourmands jusqu’au dessert.

À lire également : notre fiche pays sur l’Italie

Panforte © Pexels

Ingrédients :

  • 100 gr d’amandes entières (avec la peau)
  • 100 gr de noisettes entières (avec la peau)
  • 200 gr de fruits confits mélangés
  • 100 gr de figues séchées
  • 25 gr de gingembre confit
  • 100 gr de miel
  • 50 gr de farine
  • deux cuillères à café de 4 épices (coriandre, cannelle, muscade et clou de girofle)
  • un peu de poivre
  • une pincée de sel
  • du sucre glace à saupoudrer généreusement

Recette :

Dans une poêle, faire torréfier délicatement les noisettes et les amandes, puis hachez-les grossièrement.

Hachez finement les fruits confits, le gingembre et les figues séchées.

Dans une petite casserole, mélangez le miel, la farine, les épices, le poivre et le sel. Faites chauffer jusqu’à obtenir un mélange homogène.

Éteindre le feu, ajouter les noisettes et les amandes, les fruits confits, le gingembre et les figues séchées de manière à bien les enrober.

Déposer du papier cuisson dans un large moule, puis versez-y votre préparation.

Faire cuire au four à 150° C pendant 30 mn.

Sortez le panforte, attendez un peu et démoulez. Laissez refroidir, puis saupoudrez généreusement de sucre glace. Vous pouvez ensuite le déguster ! Dans un emballage bien fermé, le panforte se conserve plusieurs jours sans problème, mais encore faut-il qu’il en reste…

 

À découvrir lors de nos circuits et séjours en Italie

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Danemark
La Ny Carslberg Glyptotek – Danemark

La Ny Carslberg Glyptotek – Danemark

Par Flavie Thouvenin

Régulièrement classée parmi les villes les plus agréables à vivre (cette année encore, elle est arrivée à la deuxième place du classement mondial établi par The Economist !), Copenhague laisse incontestablement un petit goût de reviens-y dans la bouche du touriste qui s’y aventure. Avec son agréable centre-ville pavé de rues piétonnes, ses nombreux espaces verts, cette capitale à taille humaine séduit autant pour ses clichés de carte postale (le fameux petit port de Nyhavn aux façades colorées, la célèbre Petite Sirène à l’ancre dans la baie, ou encore les jardins de Tivoli et leur vieux parc d’attraction au charme désuet) que pour son ambiance résolument paisible. Mais l’on ne saurait passer à côté de ses richesses culturelles ! J’ai profité de mon deuxième séjour dans la perle de la Baltique pour visiter l’un des plus beaux musées du monde, la Ny Carslberg Glyptotek. Suivez-moi !

À l'intérieur de la Ny Carlsberg Glyptotek
À l'intérieur de la Ny Carlsberg Glyptotek © Foto. Kim Nilsson/Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen

Carl Jacobsen, collectionneur passionné

À l’origine de la NY Carslberg Glyptotek figure un collectionneur d’art, Carl Jacobsen, fils de Jacob Christian Jacobsen, fondateur de la célèbre brasserie danoise Carlsberg. Passionné d’art antique, en particulier la statuaire grecque et romaine, et friand d’art danois et français, Carl Jacobsen, qui a toujours eu à cœur de partager son amour pour l’art avec le grand public, expose d’abord, à partir de 1892, dans sa propre villa et ses jardins.

Bientôt, dit-on, les sculptures y sont plus nombreuses que les arbres !, et plusieurs extensions sont nécessaires afin d’accueillir les nouveaux venus d’une collection en constante expansion. Ainsi, en 1885, la maison-musée ne compte pas moins de 19 galeries !

La nécessité d’un nouvel espace se faisant sentir, Jacobsen décide alors de faire don de l’ensemble de ses collections à l’État danois et la ville de Copenhague, à la condition qu’on lui fournisse un lieu d’exposition. C’est ainsi que le 1er mai 1897, les portes de la NY Carslberg Glyptotek s’ouvraient.

La sculpture comme horizon

Après une première longue journée de déambulation à la redécouverte de la ville, me voilà nez-à-nez face à l’imposante façade de briques rouges et colonnes de granite du musée, d’inspiration Renaissance, dont la couleur contraste avec le ciel de cette grise journée d’automne. Mais c’est à l’intérieur qu’est le spectacle !

Cette première aile, conçu par l’architecte et ami de Jacobsen Vilhem Dahlerup – déjà à l’origine des travaux dans la villa du collectionneur –, abrite des collections de sculptures modernes danoises et françaises de 1800 à 1920. On y retrouve quelques grands noms de la discipline, notamment Jean-Baptiste Carpeaux et Auguste Rodin ou encore Thorvaldsen, grand maître de la sculpture danoise. Bustes, allégories, héros de la mythologie… puissance des corps, expressivité des traits, les œuvres exposées dépeignent les tourments de l’âme humaine avec finesse et émotion. Les salles font ainsi la part belle à l’inspiration antique, en vogue dans les salons parisiens de l’Académie des beaux-arts à la fin du XIXe siècle, que Jacobsen considérait comme le plus bel âge de la sculpture après l’Antiquité.

L'entrée de la Ny Carlsberg Glypotek © F. Thouvenin
© Foto. Kim Nilsson/Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen

Le goût de l’antique

La visite se poursuit par la seconde aile du musée, inaugurée en 1906, et conçue dans le style néo-classique par un autre grand architecte danois, Hack Kampmann. Elle conserve quant à elle les collections antiques léguées par Carl Jacobsen en 1899. Là encore, la part belle est faite à la statuaire et sculptures égyptiennes, grecques et romaines se succèdent dans un enfilement de salles majestueuses. Pour les amateurs d’art comme les novices, c’est un trésor qui défile sous nos yeux !

Au blanc éclatant du marbre des sculptures contrastent le bleu roi ou le rouge franc des murs peints, les mosaïques des sols et les verrières des plafonds. Outre l’extraordinaire richesse et la beauté des collections, l’agencement et l’architecture intérieure du musée offre un écrin à la hauteur de ces témoignages du passé et font de la visite un émerveillement, à l’image du hall central bâti à la façon d’un temple antique, avec ses colonnades de marbre, ses rangées de statues, et conservant en son centre les vestiges d’une mosaïque d’une ancienne villa romaine. Un véritable voyage dans le temps !

Mosaïque antique dans le hall central
Mosaïque antique dans le hall central © Foto. Kim Nilsson/Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen

L’art pour tous

À mi-visite, une pause s’impose ! Il faut dire que pour ça, le jardin d’hiver situé à la convergence des deux ailes principales, mérite à lui seul le détour ! Sous son large dôme de verre et de fer rappelant l’architecture industrielle en vogue à la fin du XIXe siècle, palmiers et plantes plus ou moins exotiques s’épanouissent autour d’une fontaine centrale, dans une ambiance mi-méditerranéenne mi-tropicale. Une curiosité que Jacobsen lui-même avait pensé comme le point central du musée : « J’espère qu’en hiver la végétation attirera les visiteurs, et qu’en voyant les palmiers peut-être s’attarderont-ils également sur les statues ». Le collectionneur avait à cœur de faire profiter ses précieuses collections au plus grand nombre, et pas seulement à un public de connaisseurs. Un pari qui semble réussi, à en juger par le nombre de touristes comme de locaux qui s’y pressent entre deux déambulations dans les salles d’expositions.

Le jardin d'hiver
Le jardin d'hiver © Foto. Kim Nilsson/Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen
Fontaine dans le jardin d'hiver
Fontaine dans le jardin d'hiver © Foto. Kim Nilsson/Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen

Le triomphe de la peinture

Dernière étape : l’aile la plus récente du musée, construite en 1996 par l’architecte Henning Larsen afin d’accueillir les collections de peinture moderne de Carl Jacobsen. Sur deux étages, la fine fleur de la peinture française du XIXe jusqu’au milieu du XXe siècle et l’âge d’or de la peinture danoise de la première moitié du XIXe s’exposent. Côté français : Manet, Courbet, Monet, Toulouse-Lautrec, Berthe Morisot, Cézanne ou encore Gauguin ; côté danois, Eckersberg, Købke… les chefs-d’œuvre s’enchaînent et l’enchantement prend le pas sur la fatigue qui commence doucement à pointer le bout de son nez. Natures mortes, portraits, paysages naturels ou urbains, impressionnisme, post-impressionnisme, notre visite se clôt en beauté ! C’est confirmé : que l’on soit fin amateur d’art ou simple touriste curieux, la Ny Carslberg Glyptotek est un incontournable de la capitale danoise à ne pas manquer !

© Foto. Ana Cecilia Gonzalez/Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen

Visitez la Ny Carslberg Glyptotek à l’occasion de notre escapade Copenhague à la Saint-Sylvestre et au cours de notre circuit Danemark découverte

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Islande
Stupeur et tremblements en Islande

Stupeur et tremblements

Par Christian Chenu

J’ai toujours été fasciné par les volcans et les manifestations sismiques, et j’ai beaucoup voyagé afin d’approcher de près certains des plus incroyables phénomènes géologiques de notre planète. Aussi, lorsqu’Arts et Vie, il y a quelques temps, m’a invité à accompagner un voyage en Islande, je fus absolument ravi. Situé entre les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine, ce pays connait une activité géologique intense, qui a, au fil des siècles, composé de sublimes paysages. De multiples phénomènes y sont observables : geysers, solfatares, sources d’eau chaudes, failles profondes, champs de lave, orgues de basalte, larges cratères… Les séismes y étant également très fréquents, j’espérais secrètement éprouver quelques secousses, sentir la terre trembler gentiment sous mes pas, ce que je n’avais encore jamais expérimenté. Ce voyage me réservait bien des surprises !

Sable noir et roches basaltiques à Mýrdalur, en Islande
Sable noir et roches basaltiques à Mýrdalur, en Islande © S. Angenault

Voyages au centre de la terre

La beauté et l’étrangeté des phénomènes volcaniques sont pour moi une source inépuisable d’émerveillement. L’expérience la plus incroyable que j’ai vécue fut sans doute l’ascension du Stromboli – quand c’était encore possible – où j’ai eu la chance d’admirer en pleine nuit, au-dessus du cratère principal, le spectacle impressionnant des jets de lave en fusion crachés par le volcan à intervalles réguliers.

L’Italie a largement contribué à mes découvertes volcaniques : je me suis pris d’admiration pour le Vésuve, l’Etna, les îles éoliennes, sans oublier la Solfatare, près de Naples. Les anciens grecs avaient nommé ce lieu les champs Phlégréens (“champs ardents”) et les Romains le considéraient comme le domicile du dieu Vulcain et l’entrée des Enfers.

Mes voyages plus lointains m’ont également permis de découvrir le parc géologique de Waiotapu en Nouvelle Zélande, le volcan Bromo à Java en Indonésie, le parc national de Yellowstone aux États-Unis… Chaque fois, la terre m’a fait sentir – et cela sent parfois très mauvais – sa puissance et ma vulnérabilité.

Tant que cela ne se manifeste que par des odeurs nauséabondes, des fumerolles qui piquent les yeux, des lacs de boues sulfureuses bouillonnantes ou même des grondements sourds, les hommes ne s’en préoccupent pas trop, et ont même tiré parti, depuis l’Antiquité, de ces ressources provenant du centre de la terre. La plupart du temps, nous nous accommodons en effet très bien de ces phénomènes géologiques et c’est seulement quand la terre se fâche vraiment que cela devient problématique.

 

Sur les pentes de l’Etna
L’Etna ©M. Margoux
Yellowstone, États-Unis
Dans le parc de Yellowstone, aux États-Unis © C. Chenu
Usine de captage géothermique en Islande © N. Sidois

Des secousses attendues

Je n’ai jamais vécu de tremblement de terre – et vous allez peut-être me prendre pour un fou – mais c’est une expérience que j’aimerais beaucoup vivre (sans que cela me mette en danger, bien sûr). J’ai voyagé dans de nombreuses zones à forte activité sismique, mais mis à part un petit séisme de faible amplitude en Iran – que je n’ai pas ressenti parce que je dormais –, rien !

Alors, lorsque j’ai appris que je devais accompagner un voyage en Islande avec Arts et Vie, je me suis dit que cette fois-ci, avec un peu de chance, j’y aurai droit. Les circonstances me semblaient favorables, d’autant plus que deux semaines avant le départ, un volcan souterrain commença à se manifester. Rien à voir avec l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en 2010 qui avait fichu la pagaille dans les lignes aériennes de tout l’hémisphère Nord, mais on pouvait tout de même “espérer” quelques séismes de forte amplitude (en dessous de 4 de magnitude, les Islandais n’y font même plus attention).

Orgues basaltiques de Reynishverfi en Islande © G. Le Blanc

Nous étions en train de dîner à l’hôtel le deuxième soir de notre voyage, en compagnie du guide, quand soudain les murs du restaurant se sont mis à trembler, en même temps que résonnait un grondement sourd assez éloigné, comme dans les films catastrophes. Cela a duré une quinzaine de secondes. J’étais un peu inquiet, mais en même temps, ravi : nous n’étions que le deuxième jour du voyage et j’avais déjà eu mon séisme. Le guide consulta son smartphone et fut surpris de n’avoir aucune alerte des services de surveillance sismique. Il n’y eut pas de réplique et la nuit fut calme.

Un film catastrophe

Le lendemain matin au petit déjeuner, le guide m’expliqua pourquoi il n’y avait pas eu d’alerte… Le restaurant de l’hôtel avait un mur mitoyen avec une salle de cinéma où passait justement un film catastrophe au moment où nous dinions. Ce que nous avions entendu et ressenti étaient tout simplement les vibrations de la sono du cinéma ! J’étais, je l’avoue, un peu déçu, mais nous avons tous bien ri de cette méprise !

J’en ai profité pour citer le “grand philosophe” Jean-Claude Van Damme : “Si tu travailles avec un marteau-piqueur pendant un tremblement de terre, désynchronise-toi, sinon tu travailles pour rien.”

Deux jours plus tard le guide nous a tirés du lit pour nous faire admirer un autre spectacle magnifique qui me fit oublier toute ma frustration : une aurore boréale.

Découvrir les circuits Arts et Vie en Islande

Le geyser Strokkur, à Geysir en Islande
Le geyser Strokkur, à Geysir en Islande © G. Dupont

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
France
L’exposition Rosa Bonheur au musée d’Orsay – France
Édouard Louis Dubufe et Rosa Bonheur, Portrait de Rosa Bonheur, 1857
Édouard Louis Dubufe et Rosa Bonheur, Portrait de Rosa Bonheur, 1857 © Photo service de presse. RMN (château de Versailles) – G. Blot

Rosa Bonheur, l’exposition hommage

Article partenaire avec l’Objet d’Art
Par Constance Arhanchiague

Artiste acclamée de son vivant et internationalement reconnue, Rosa Bonheur tomba dans l’oubli après sa mort en 1899. À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, le musée d’Orsay remet à l’honneur la plus grande peintre animalière du XIXe siècle, en présentant au public ses nombreux chefs-d’œuvre. Une exposition événement que l’on attendait depuis longtemps ! En 200 œuvres, parmi lesquelles des tableaux encore jamais montrés en France et des prêts de collectionneurs, le parcours donne à voir au public un large aperçu de la production de Rosa Bonheur, et éclaire le travail d’élaboration d’une œuvre originale.

Une artiste qui renouvela le genre de la peinture animalière

Observant et chérissant les animaux depuis sa plus tendre enfance, Rosa Bonheur disait qu’elle avait « pour les étables un goût plus irrésistible que jamais courtisan pour les antichambres royales et impériales ». À l’encontre de la tradition du grand portrait princier et des sujets historiques et mythologiques alors en vogue, Rosa Bonheur imposa ses peintures animalières et relégua l’humain au second plan, dans une approche novatrice.

Selon Sandra Buratti-Hasan, il est probable qu’elle ait choisi la peinture animalière en étant consciente qu’il y avait là un créneau à prendre. Aurait-elle pu se faire une telle place dans le genre de la peinture d’histoire compte-tenu de la concurrence ? Cette perspicacité n’est pas la moindre marque de son intelligence. Ses sujets champêtres et animaliers offraient alors à sa clientèle bourgeoise une peinture bien plus accessible intellectuellement que la peinture d’histoire, et très séduisante en raison de son enracinement dans des terroirs profonds, opposés à la société urbaine et industrialisée.

Si les sujets animaliers existaient déjà, Rosa Bonheur s’y consacra exclusivement, ce qui n’était pas le cas de ses prédécesseurs, et se tailla ainsi une place privilégiée dans un genre tardivement reconnu.

Le choix du réalisme pour « capturer l’âme »

Deux camps s’opposaient alors dans la représentation de l’animale : d’un côté les romantiques qui livraient des portraits sensibles voire psychologiques, et de l’autre les réalistes qui privilégiaient une représentation descriptive, visant à saisir l’animal de manière neutre selon des codes qui prévalaient dans les pastorales et les scènes de labourage. Loin d’un romantisme lyrique et à bonne distance de la dureté d’un Courbet, Rosa Bonheur développa une œuvre d’un réalisme mesuré, compatible avec ce que fut le goût de la peinture non seulement des institutions artistiques du Second Empire et de la IIIe République, mais aussi de sa riche clientèle européenne et américaine.

Durant toute sa carrière, elle s’est intéressée à l’animal dans son environnement, à rebours du pittoresque ou de l’anecdote, pour entreprendre de traduire le « sentiment vrai de la nature ». Son attention extrême portée au mouvement et aux expressions des bêtes fit dire à Théophile Gautier, s’extasiant devant ses taureaux du Cantal : « quelle vérité et quelle observation parfaite ! ».

Sa volonté de peindre fidèlement les caractères physiques et les attitudes des animaux sans trahir les espèces se nourrit d’apprentissage et de travail. L’exposition en rend bien compte, en associant aux toiles grand format des études préparatoires. Rosa Bonheur multiplia les croquis, études, et ébauches. Elle utilisa même la photographie qu’elle pratiqua un peu elle-même, pour se documenter davantage sur la vie animale.

Considérant que les animaux avaient une âme qui légitimait l’attention qu’on devait leur prêter, Rosa Bonheur individualisa ses sujets dans des œuvres qui s’apparentaient à des portraits, les représentant en gros plan, frontalement ou de profil, comme cette saisissante tête de lion au regard perçant. Elle observait tout particulièrement le regard des bêtes, considérant que « c’est là que se peignent les volontés, les sensations, les êtres auxquels la nature n’a pas donné d’autres moyens d’exprimer leurs pensées ». Elle disait elle-même qu’elle voulait devenir la « Vigée Lebrun des animaux », en référence à la grande portraitiste de Marie-Antoinette, montrant par là son ambition d’imposer ses peintures animalières avec la force du portrait et de dévoiler toute la puissance de l’âme animale.

Rosa Bonheur, El Cid, tête de lion, 1879
Rosa Bonheur, El Cid, tête de lion, 1879 © Photo service de presse. Photographic Archive, Museo Nacional del Prado, Madrid

Féministe avant l’heure

Femme de combats, Rosa Bonheur était une véritable légende en son temps. Avant toute chose elle s’est battue pour pouvoir devenir artiste et vivre de sa peinture dans un contexte où les institutions artistiques étaient dominées par les hommes.

Bataillant pour légitimer ce statut de femme peintre et s’affirmer comme l’égale de ses confrères hommes, elle transgressa les codes de son époque pour vivre farouchement libre dans un siècle encore très corseté, devenant ainsi une figure de l’émancipation des femmes. Elle refusa notamment de se marier et partagea sa vie affective pendant plus de cinquante ans avec son amie d’enfance Nathalie Micas, troqua la robe pour le pantalon, porta les cheveux courts et fuma le cigare…

La ménagerie du château de By

Autre aspect qui contribua à sa légende, elle vécut pendant plus de quarante ans au milieu d’une ménagerie, composée d’animaux domestiques, sauvages et agricoles. En 1860, elle s’installa dans une vaste demeure en lisière de la forêt de Fontainebleau, le château de By, où elle logea une véritable arche de Noé : chiens, moutons, bœufs, chevaux, sangliers, cerfs, et même une gazelle et un couple de lion. Brouillant complètement la frontière entre animaux sauvages et domestiques, elle nomma sa jument « Panthère » et son cerf « Jacques ».

Par l’ampleur de sa ménagerie, elle s’est libérée des contraintes qui pesaient auparavant sur les artistes animaliers. Alors que ses prédécesseurs travaillaient d’après des animaux morts ou en captivité, au Jardin des plantes par exemple, n’instaurant aucun dialogue avec leurs sujets dont la réactivité et le regard étaient éteints, Rosa Bonheur put à l’inverse continuellement les observer et en saisir des attitudes singulières. Elle habitua même les animaux à sa présence, en lisant longuement le journal dans le parc aux cerfs ou nourrissant elle-même ses lions qu’elle avait domestiqués et qui vivaient en dehors de leur cage.

Des commandes de l’État français à la renommée internationale

Après des envois remarqués au Salon qui lui valurent une très bonne réception critique, Rosa Bonheur reçut plusieurs commandes officielles de l’État.

La première, le Labourage nivernais, deviendra l’un de ses chefs-d’œuvre. Dans cette toile monumentale, le lien avec le message républicain qui valorise le travail agricole et la richesse de la terre nourricière est évident. Alors que les bouviers et le laboureur sont dissimulés au second plan, les bœufs, massifs et puissants, apparaissent comme les héros de ce tableau qui glorifie le règne animal. Plus que l’homme, c’est l’animal qui travaille et qui souffre, épuisé par le joug et l’ascension de la colline.

Pour sa deuxième commande officielle, Rosa Bonheur voulut proposer Le Marché aux chevaux, que l’État refusa lui préférant un nouveau sujet rural, mais qu’elle présenta au Salon de 1853. Cette toile suscita un très grand enthousiasme auprès de la critique qui exempta définitivement Rosa Bonheur de soumission de ses envois.

Après avoir remis à l’État La Fenaison en Auvergne dont elle n’était pas satisfaite, Rosa Bonheur choisit de quitter le Salon pour se tourner exclusivement vers le marché de l’art, ce qui lui permit de très bien vivre mais la fit peu à peu sombrer dans l’oubli en France.

Un triomphe à l’étranger

Elle s’associa aux marchands et collectionneurs les plus éminents pour dominer le marché de l’art et conquérir son indépendance financière et morale. Ernest Gambart devint avec les Tedesco l’un des principaux promoteurs de sa peinture à l’étranger. Depuis Londres où il s’était établi, et d’où il valorisait son œuvre animalière, il entreprit de la rendre célèbre outre-Atlantique. Rosa Bonheur connut alors un succès international et compta parmi les artistes les plus convoités et les plus chers de son époque.

Ultime consécration, elle fut décorée par l’impératrice Eugénie elle-même de la légion d’honneur, avec laquelle elle choisit de poser pour la postérité, devenant ainsi la première femme artiste à recevoir une telle distinction. Toute sa vie Rosa Bonheur fut sensible aux honneurs qu’elle reçut au cours de sa carrière et qui furent nombreux. Elle voulait être la meilleure dans son domaine, pour être digne et fière de son statut de femme peintre, destin qu’elle accomplit parfaitement.

Anna Klumpke, Portrait de Rosa Bonheur, 1898.
Anna Klumpke, Portrait de Rosa Bonheur, 1898 © The Metropolitan Museum of Art, dist. RMN / image of the MMA

Pour aller plus loin :

-le

Le Dossier de l’Art n°299 sur Rosa Bonheur, écrit par l’historien de l’art Bernard Tillier, professeur à l’université Paris I Panthéon.

Nouveauté ! Pour plus d’articles, retrouvez également l’Objet d’Art sur le site : actu-culture.com

JEU CONCOURS

Quelle personnalité américaine, figure mythique de la conquête de l’Ouest, devint l’ami de Rosa Bonheur et lui inspira plusieurs toiles ?

Merci d’adresser votre réponse à : abonnement@faton.fr, en indiquant votre nom et adresse, et en précisant dans l’objet « Concours Arts & Vie – Rosa Bonheur », avant le 1er décembre 2022.

Les cinq premières bonnes réponses gagneront le catalogue raisonné du fonds de Rosa Bonheur conservé au château de Fontainebleau (à commander sur www.faton.fr).

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
FranceMexique
L’exposition « Frida Kahlo » au Palais Galliera – France

« Frida Kahlo, au-delà des apparences »

Par Marie Lagrave

Depuis le 15 septembre, une foule plus dense qu’à l’accoutumée se presse aux abords du Palais Galliera, le musée de la Mode de la ville de Paris, situé dans le XVIe arrondissement. Il faut dire que le musée présente en ce moment – et jusqu’au 5 mars – une exposition dédiée à l’immense peintre mexicaine Frida Kahlo. Musée de la mode oblige, il n’est ici pas tellement question de ses tableaux, restés pour la plupart au Mexique ou aux États-Unis, mais bien davantage de la façon dont l’artiste a, toute sa vie durant, façonné son identité et son image, notamment au travers des robes traditionnelles mexicaines qu’elle aimait porter. Une exposition très attendue et fortement plébiscitée qui permet d’approcher l’intimité de Frida Kahlo, aujourd’hui devenue une icône internationale.

Conçue en étroite collaboration avec le Museo Frida Kahlo au Mexique, l’exposition dévoile plus de 200 objets provenant de la fameuse Casa Azul qui vit naître et mourir la célèbre peintre. Au fil des salles, on découvre des photographies la représentant, sa correspondance, les ex-votos qu’elle collectionnait, et bien sûr ses vêtements, bijoux et cosmétiques, ainsi que ses corsets et prothèses médicaux, transformés en véritables supports d’expression artistique. Quelques croquis et tableaux de l’artiste ponctuent le parcours, mais ils restent rares : ce n’est pas là le sujet de l’exposition. De même, si le nom de Diego Rivera, son mari, est bien sûr évoqué, on ne s’y attarde pas, et Frida Kahlo reste la star incontestée. L’exposition débute par un parcours biographique pour nous faire ensuite découvrir comment Frida Kahlo a composé son identité au travers de son handicap, de ses tenues et de ses portraits photographiques.

Une galerie courbe pour un parcours biographique

« Je suis née ici »

Arrivée au Palais Galliera, je m’arrête un instant pour apprécier son étonnante architecture qui oscille entre une géométrie rigoureuse côté jardin et sa façade sur rue en demi-cercle. Après un peu d’attente, j’accède à l’exposition : un court film de Frida Kahlo sert d’introduction, puis le parcours débute dans une longue galerie en courbe, un long couloir arrondi.

« Je suis née ici » : c’est quasiment par ces mots que le parcours de l’exposition commence, soulignant l’attachement de Frida Kahlo à ses racines et au Mexique. Les photos de famille se succèdent, dévoilant ses origines métissées, et montrant Frida enfant, prenant déjà la pose pour son père, photographe de métier. Mais l’enfance de Frida Kahlo, c’est aussi la poliomyélite, maladie qui atrophie sa jambe droite et dont elle gardera des séquelles toute sa vie ; puis son terrible accident de bus alors qu’elle n’a que 15 ans, et qui fera basculer toute son existence. Cet accident apparait d’ailleurs dans l’exposition par un dessin saisissant de Frida Kahlo, presque un croquis, où plusieurs scènes se superposent.

« Je suis née ici » représente également la Casa Azul, où Frida Kahlo naquit et vécut toute sa vie, si l’on excepte ses voyages. Après son mariage, elle y vit avec Diego Riviera, et si la maison accueille les amours et les discordes du couple, elle n’en reste pas un moins un refuge pour Frida Kahlo qui la décore avec soin. Parmi les objets présentés, la collection d’ex-votos notamment, attire mon attention. Source d’inspiration pour l’artiste, ils témoignent de sa passion pour l’art populaire, les thèmes religieux et les traditions mexicaines.

Voyages et correspondance

Le parcours continue, toujours dans cette étonnante galerie courbe, et m’entraine dans deux des voyages de Frida Kahlo. Frida suit tout d’abord Diego aux États-Unis, où ils séjourneront 2 ans, d’abord à New York puis à Détroit. Bien que fascinée par sa modernité, Frida apprécie peu le pays qu’elle surnomme « Gringolandia ». À Détroit, en outre, elle subit une fausse couche traumatisante. Elle peint cependant lors de son séjour plusieurs de ses chefs-d’œuvre.

Quelques années plus tard, Frida Kahlo est invitée à Paris par André Breton qui prépare une exposition en son honneur. Cependant, ses tableaux ne seront finalement exposés qu’au milieu d’autres œuvres mexicaines. C’est une grande déception pour l’artiste, qui dans sa correspondance, s’en prend vivement à Breton et aux surréalistes.

Ces deux voyages permettent néanmoins à Frida Kahlo de faire de nombreuses rencontres, et de lier des amitiés qu’elle entretient par une abondante correspondance. Les lettres échangées avec ses relations viennent clore ce parcours biographique.

De grandes salles pour comprendre la construction de son image

Infirmité et créativité

Après ce long parcours dans cette étroite galerie, j’apprécie les volumes de la salle qui s’ouvre ensuite, sans doute la plus poignante de l’exposition. Ici sont exposés, en ligne, différents corsets portés par Frida Kahlo. Soutiens de son corps brisé, réceptacles de sa douleur, ils témoignent de sa santé de plus en plus fragile. Portés tout au long de sa vie, ils font partie intégrante de sa personne : loin de chercher à les dissimuler, elle les a représentés et mis en scène dans nombre de ses tableaux, comme des allégories de ses souffrances. Certains sont également devenus des supports artistiques. Elle a peint sur l’un la faucille et le marteau, symboles de son attachement au Parti Communiste ; ici, le fœtus de l’enfant qu’elle n’a jamais pu avoir ; sur un autre, une colonne brisée, reflet de sa propre colonne vertébrale…

prothèse orthopédique de Frida Kahlo
musée de la mode palais galliera
Scénographie de l’exposition « Frida Kahlo, au-delà des apparences » © Palais Galliera

D’autres dispositifs médicaux sont également exposés, et notamment une prothèse orthopédique, utilisée après l’amputation de sa jambe droite. Admirablement conçue, elle figure une véritable jambe, ornée d’une magnifique botte rouge sur laquelle trône un dragon asiatique. Malgré son handicap, Frida Kahlo n’a en effet jamais cessé d’apporter un soin extrême à ses tenues. Elle les portait comme un véritable étendard de sa personnalité hors du commun, de sa mexicanité et de sa féminité.

Tenues et portraits photographiques

La salle suivante, justement, permet d’admirer quelques-unes des plus belles parures de l’artiste. Bijoux et cosmétiques s’exposent de part et d’autre tandis que de superbes robes trônent au centre de la pièce. La plupart sont des jupes et tuniques traditionnelles mexicaines, brodée de couleurs vives, emblématiques de la région de Tehantepec. L’amplitude des jupes permettaient à Frida de dissimuler ses jambes, tandis que les motifs chatoyants des tuniques mettaient en valeur son buste et la faisait paraitre plus grande. Ces tenues sont devenues un marqueur essentiel de l’identité de l’artiste, qui les portait jusqu’à son chevalet, ce dont témoignent photos et taches de peinture.

Habituée à poser pour son père dès le plus jeune âge, Frida Kahlo conserve ensuite le désir de se faire prendre en photo et de composer son image. Les portraits d’elle sont nombreux et extrêmement variés, pris par différents photographes. Dans cette salle habitée par ses robes, tout un pan de mur est consacré à ces photos. On y voit Frida parée de ses plus beaux atours, dont certains sont visibles dans la pièce. Ces portraits ont fait le tour du monde, et son image si reconnaissable a contribué à faire d’elle une véritable icône, internationalement reconnue.

À l’étage : des créations de haute couture inspirées par Frida Kahlo

Jusqu’au 31 décembre 2022, une exposition-capsule située à l’étage, permet de compléter le parcours. Dans cette dernière salle, sont exposées des créations de haute couture inspirées par l’artiste mexicaine. De nombreux créateurs de mode ont en effet voulu rendre hommage à son style unique, que ce soit au travers de robes d’inspiration tehuana, de motifs mexicains chatoyants ou par l’utilisation de corsets orthopédiques. Ce dernier espace permet de mesurer l’influence de l’artiste sur la mode contemporaine et d’apprécier la variété des interprétations de son style.

À découvrir lors de la journée culturelle : Le Mexique à Paris

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Espagne
Romancero gitano, de Federico García Lorca : un chant andalou

Romancero gitano, de Federico García Lorca

Par Marie Lagrave

Avec son soleil brulant et son histoire tourmentée, sa culture profondément chrétienne et son héritage maure, l’Andalousie est définitivement une région d’Espagne à part. Sans doute personne n’a su dépeindre ses paysages de sierras et d’oliveraies et son peuple fier et passionné mieux que Federico García Lorca, poète et dramaturge andalou, écrivain essentiel de la langue espagnole. Les quelques 18 poèmes du recueil Romancero gitano*, l’une de ses œuvres majeures, célèbrent cette région de toréros et de gitans et forment un chant sublime et tragique en l’honneur de sa terre natale.

À lire également : notre fiche-pays sur l’Espagne

Romancero gitan, recueil de poèmes de Federico Garcia Lorca
Détail de l’Alhambra de Grenade © J.-C. Chéron

Federico García Lorca, poète et dramaturge andalou au destin funeste

Federico García Lorca nait le 5 juin 1898, à Fuentevaqueros, petite ville de campagne tout près de Grenade. Issu d’une famille aisée et cultivée, il grandit dans un environnement imprégné d’art et de littérature, mais conservera également de son enfance rurale un profond attachement à la terre, à l’Andalousie et son folklore. Il suit des études de lettres et de droit à Grenade, se passionne pour la musique et publie, dès 1918, son premier livre, Impressions et paysages, rassemblant divers textes en prose.

L’année suivante, il part pour Madrid et découvre l’activité culturelle foisonnante de la capitale. Il intègre un groupe de jeunes artistes et intellectuels parmi lesquels figurent Salvador Dalí, Luis Buñuel ou encore Rafael Alberti, et devient dans les années qui suivent l’un des chefs de file du groupe littéraire de la Génération de 27. S’il s’essaye alors sans grand succès au théâtre, il publie surtout plusieurs recueils de poésie qui font sa célébrité. La parution de Romancero gitano* en 1928, notamment, fait de lui le poète espagnol le plus lu de son temps.

Néanmoins, en contraste avec son succès fulgurant, la fin des années 20 est pour lui une période douloureuse : il sombre peu à peu dans une intense dépression, sans doute liée à la difficulté d’assumer son homosexualité dans une Espagne encore très conservatrice. Inquiets, ses proches l’envoient en 1929 aux États-Unis, où il y restera une année entière. Il y écrit l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre : Poète à New-York.

Au moment de son retour en Espagne, en 1930, Primo Rivera, dictateur en place depuis 1923, quitte le pouvoir, ouvrant la voie à la Seconde République. Le nouveau gouvernement propose à Federico García Lorca de diriger un théâtre ambulant, « La Barraca », pour faire connaitre les pièces du répertoire classique aux zones rurales d’Espagne. Il accepte, se dédie au théâtre et rédige alors ses plus belles pièces, comme Noces de sang (1933), Yerma (1934) ou La Maison de Bernarda Alba (1936).

À l’été 1936, comme tous les étés, Federico García Lorca rejoint sa famille à Grenade. Mais après des mois de vives tensions politiques, une insurrection militaire et nationaliste éclate le 17 juillet : c’est le début de la guerre civile espagnole. Si la rébellion est rapidement étouffée à Madrid – en tout cas dans un premier temps –, Grenade tombe aux mains des nationalistes le 20 juillet. Federico García Lorca est alors une figure publique bien connue : intellectuel, fonctionnaire de la République, proche de socialistes et, qui plus est, homosexuel… Aussi, quoiqu’il n’ait participé à aucune action politique, il est activement recherché. Il est arrêté le 16 août et fusillé dès le 19 août 1936, à peine un mois après le début de l’insurrection, à l’âge de 38 ans. Ses œuvres, bien qu’interdites par le régime franquiste, continuent cependant d’émouvoir le monde entier. Au retour de la démocratie en Espagne, le poète et dramaturge andalou est pleinement réhabilité, et célébré pour sa créativité et son lyrisme.

Romancero gitano : le chant de l’Andalousie

Publié en 1928, Romancero gitano est l’œuvre qui lui fait véritablement accéder à la renommée, d’abord en Espagne, puis dans le reste du monde. Ce recueil est composé de 18 poèmes rédigés entre 1924 et 1927, reprenant la forme du romance traditionnel et inspirés des récits et légendes gitanes.

Le romance est une forme poétique tirée des chansons de gestes espagnoles. Les poèmes se composent d’octosyllabes où seuls les vers pairs portent la rime, qui est de plus assonancée (c’est-à-dire que la rime ne concerne que les voyelles). C’est une forme qui donne une grande liberté de composition mais dont la musicalité est très importante, parfois d’ailleurs accentuée par de multiples répétitions. Les romances dépeignent le plus souvent des épopées légendaires ou historiques, ou des histoires d’amour. Si cette forme poétique est très ancienne et fut principalement utilisée au XVe siècle, de nombreux auteurs plus contemporains de Lorca s’y sont également essayé.

À cette forme traditionnelle, Federico García Lorca associe la thématique du monde gitan, quintessence à ses yeux de l’Andalousie. Fortement attaché à sa région de naissance, Lorca ne cessera en effet de dépeindre l’âme et les souffrances des Andalous, les traditions populaires et la culture gitane, malgré d’acerbes reproches notamment de la part de son ami Dalí, qui l’accuse de régionalisme et de manque d’originalité.

Ces 18 poèmes sont de véritables chefs d’œuvres, qui transcendent les légendes gitanes par la beauté formelle du romancero et un symbolisme où l’on sent poindre la proximité du poète avec les avant-gardes et le surréalisme espagnol.

* Nous avons choisi de ne pas traduire ce titre, afin de conserver le terme de romancero qui renvoie à une forme poétique traditionnelle, issue des chansons de geste et typiquement espagnole.

Découvrir tous les circuits Arts et Vie en Andalousie

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Hongrie
Fiche pays – Hongrie

La Hongrie, trésor naturel et culturel au cœur de l'Europe centrale

Par Flavie Thouvenin

Au cœur de l’Europe centrale, entre les contreforts des Carpates, le long du bassin danubien, se love un pays à l’histoire millénaire dont la douceur de vivre et les richesses culturelles ravissent les voyageurs qui souhaitent s’écarter des sentiers battus. Ancien royaume des Magyars, peuple descendant des Huns, la Hongrie a connu des heures sombres, sous l’influence du régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale puis dans le giron de l’URSS. Une histoire torturée dont elle s’est libérée en devenant le premier pays à sortir du joug soviétique, à son indépendance en 1989. En dehors de sa capitale, au flamboyant éclectisme architectural, son patrimoine historique et naturel remarquable gagne à être connu. On y observe les traces du passé dans les vestiges de ses forteresses, ses châteaux ; on y traverse d’authentiques petits villages au charme suranné ; on se prélasse en se glissant dans les eaux pures de ses bains thermaux ; on se balade dans ses plaines et ses forêts, sur les rives d’un immense lac ; sans oublier, bien sûr, de goûter à ses traditions culinaires, accompagné d’un verre de vin issu de ses nombreux cépages… Suivez le guide !

Vue sur le Parlement de Budapest
Le Parlement ©A.-G. Brugeron

Carte d'identité

Capitale : Budapest

Superficie : 93 000 km2

Nombre d’habitants : 9 771 827 habitants

Fuseau horaire : UTC/GMT+1 (pas de décalage horaire avec la France)

Monnaie : le forint

Langue : le hongrois

Météo : la Hongrie bénéficie d’un climat continental modéré, avec des étés chauds, voire très chauds (le pays compte l’un des taux d’ensoleillement les plus importants d’Europe !), et des hivers qui peuvent être rigoureux, souvent enneigés. La mi-saison, plus douce, se révèle idéale pour découvrir le pays, en particulier en mai et juin ainsi qu’aux mois de septembre et octobre.

Les incontournables de la Hongrie

Budapest, la perle du Danube

Incontournable, Budapest, la capitale, est un véritablement enchantement pour tout amateur d’art, d’histoire et d’architecture qui, sitôt qu’il y pose le pied, ne sait plus où donner de la tête ! Du Parlement au pont des Chaînes, du château de Buda au bastion des Pêcheurs, en passant par la place des Héros et la basilique Saint-Étienne, sans oublier ses riches musées et ses bains thermaux aux fastueux décors Art nouveau (à admirer les pieds dans l’eau !)… la perle du Danube offre une suite sans fin d’émerveillement et un goût de reviens-y à tout voyageur qui foule ses pavés. Outre sa formidable richesse culturelle, c’est sa douceur de vivre et le charme de son éclectisme architectural qui font de la ville une des destinations les plus appréciées des touristes en Europe depuis plusieurs années.

Le pont des Chaînes, qui relie Buda à Pest
Le pont des Chaînes, qui relie Buda à Pest © E. Gross

Le lac Balaton

À environ 1 h de Budapest, le plus grand lac du pays et d’Europe central, le lac Balaton, la « petite mer hongroise », et sa région sont une destination incontournable tant pour les Hongrois que pour les touristes étrangers. Entre nature et culture, les activités ne manquent pas et en font la 2e destination touristique du pays après la capitale. Le lac et ses eaux turquoise offrent des moments de détente et de baignade dans un décor exceptionnel, et les sports nautiques qui s’y pratiquent ravissent les amateurs de sensations fortes. Surplombé par un massif volcanique, les rives du lac sont le terrain idéal pour des randonnées à pied ou à vélo, au cœur d’une nature préservée, dans le parc national du Haut Pays du Balaton.

Orgues basaltiques, champs de geyser, c’est un véritable spectacle géologique… et historique ! Forteresses médiévales, châteaux, abbayes… entre nature et culture, la région regorge de monuments historiques, de quoi contenter également les amoureux d’histoire.

Vue sur le lac Balaton
Le lac Balaton © Pixabay

Tokaj et sa région

La Hongrie, l’autre pays du vin ? Au nord-est du pays, à Tokaj et ses environs, les vignes s’épanouissent à perte de vue sur les pentes des collines verdoyantes : ici se trouve le cœur de la production viticole hongroise, dont la tradition de vinification remonte à plus d’un millénaire (le pays compte pas moins de vingt-deux régions productrices). La région de Tokaj est le berceau du vin éponyme – le tokaj – à la robe dorée et aux arômes fruités. Ce liquoreux, dont les traces remontent au XVIe siècle, fait la fierté du royaume de Magyar, qui l’évoque jusque dans son hymne officiel ! Populaire au-delà de ses frontières, il figurait dit-on parmi les vins préférés de Louis XV, d’où son surnom de « rois des vins, vin des rois ».  Le vignoble est également inscrit depuis 2002 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, une reconnaissance qui finit d’assurer sa réputation.

Lors d’un séjour sur place, on suit la route des vins à la découverte de ce patrimoine culturel exceptionnel et on se délecte du nectar (avec modération !) en faisant le tour des nombreuses caves qui proposent une visite suivie d’une dégustation. Certaines, construites il y a plusieurs siècles, sont spectaculaires, construites sous la roche volcanique dans un véritable labyrinthe de tunnels comme les caves d’Oremus, dans le village de Tolcsva, ou bien enterrées sous plusieurs niveaux comme les caves de Hercegkút.

 

Le château de Gödöllő

Situé à une trentaine de kilomètres à l’est de Budapest, le palais royal de Gödöllő compte parmi les plus beaux joyaux architecturaux de la Hongrie. Construit au XVIIIe siècle pour la famille royale, il est surtout connu pour avoir été l’une des résidences préférées de l’impératrice Sissi qui aimait y passer les longs mois d’été loin des vicissitudes de la cour viennoise. Deuxième plus grand palais baroque au monde, c’est un véritable voyage dans le passé qu’offre sa visite, ses salons et chambres royales ayant retrouvé tout leur faste grâce à une remarquable rénovation entreprise à la suite du régime communiste. Une plongée dans l’intimité de l’impératrice que l’on complète d’une belle promenade dans le calme paisible de ses jardins.

Le château de Sissi, à Gödöllö
Le château de Sissi, à Gödöllö © D.R.

Hollókő

À Hollókő, au nord de la Hongrie, à quelques kilomètres de la frontière slovaque, le temps semble s’être arrêté. Ce petit village aujourd’hui attraction touristique majeure du pays offre un exemple préservé de la vie rurale hongroise avant la révolution agricole et industrielle du XXe siècle. Classée à l’Unesco, la petite bourgade voit ses origines remonter au XIIIe siècle, construite au pied d’un château désormais en ruines.

Ce véritable musée à ciel ouvert comprend, parmi ses constructions les plus remarquables, une vieille église en bois du XVIe siècle, et une cinquantaine de maisons en pisé, blanchies à la chaux, aux toits en bardeaux de tuiles sombres, typiques des Palóc, groupe ethnique de la région dont les origines demeurent encore mystérieuses. Le village-musée compte encore aujourd’hui plusieurs centaines d’habitants qui continuent de faire vivre les traditions et le folklore de leurs ancêtres, défilant en costumes traditionnelles à l’occasion des grandes fêtes qui rythment le calendrier.

Le coup de coeur de nos spécialistes

Flavie Thouvenin, assistante d’édition iconographe

« Entre deux visites de musées et de monuments historiques, il fait bon flâner à Budapest ! Car le spectacle se trouve aussi, et peut-être surtout, au détour de ses rues, dans les recoins de ses quartiers. Outre ses merveilles d’architecture, on y admire l’art urbain qui se développe tout particulièrement dans l’ancien guetto juif de Józsefváros. Ancien fief des artistes et des grandes figures de la littérature hongroise au tournant du XXe siècle, Józsefváros s’est vu délaissé sous l’ère communiste, entraînant la détérioration de ses bâtiments. Aujourd’hui, pourtant, c’est l’un des spots les plus en vue de la capitale !

Au charme indéniable des façades d’immeubles anciens se mêlent des fresques gigantesques réalisées par les meilleurs noms de la scène locale du street art. À chaque coin de rue, une nouvelle œuvre surgit. Un véritable musée à ciel ouvert que j’ai pu savourer par un après-midi d’avril après une pause gourmande au Café New York, assurément l’un des meilleurs souvenirs de mon séjour ! »

À lire également : Les cafés historiques de Budapest

© F. Thouvenin
© F. Thouvenin
© F. Thouvenin

Découvrir tous les voyages Arts et Vie en Hongrie

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Grèce
Le site archéologique de Delphes

Delphes : 130 ans de découvertes sur un site mythique

Par Constance Arhanchiague

Article partenaire avec les Dossiers d’Archéologie et Archéologia

Situé dans un environnement exceptionnel, sur les pentes du mont Parnasse, Delphes fête les 130 ans de sa « Grande Fouille » menée par l’École française d’Athènes à la fin du XIXe siècle, celle qui permit de mettre au jour ses principaux vestiges. Depuis, la connaissance du site n’a cessé d’évoluer. Occupé dès la Préhistoire, il voit au IXe siècle avant J.-C. le développement du culte d’Apollon et la naissance du sanctuaire destiné à devenir un des hauts lieux du monde antique. Puis, à la fin du VIe siècle avant J.-C. la naissance des fameux jeux pythiques, là encore en l’honneur du dieu du soleil et des arts. Site mythique, Delphes était aussi pour les anciens Grecs, l’omphalos, le centre du monde.

Vue générale du sanctuaire de Delphes
Vue générale du sanctuaire de Delphes © Adobe Stock / luri

La cité de Delphes

Si l’on a tendance à réduire Delphes à son sanctuaire, le site fut pourtant habité de façon continue pendant vingt siècles environ, de la préhistoire au milieu du Moyen Âge, puis de nouveau du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle, au moment du déplacement du village installé dans les ruines pour permettre la Grande Fouille de 1892.

Dès l’époque mycénienne, il y eut effectivement une cité d’importance moyenne, comptant entre 800 et 1 000 hommes adultes. Autour des années 1200 avant J.-C., de violents orages détruisent les maisons et palais mycéniens. Pour autant, l’occupation ne s’est pas interrompue, et le début de l’âge du Fer est bien attesté à Delphes.

Les lieux du culte d’Apollon furent d’abord insérés dans l’habitat, toujours séparé des nécropoles, puis au début du VIe siècle avant notre ère, après l’incendie du premier temple en pierre, le site connut une profonde restructuration qui sépara le monde des dieux de celui des hommes et permit d’honorer Apollon avec un faste accru.

À découvrir avec les circuits Arts et Vie :
La Grèce antique en famille et Des Météores au Péloponnèse

Un sanctuaire d'une immense renommée

Les vestiges du temple d’Apollon, à Delphes
Les vestiges du temple d’Apollon © L. Domenach

Dans une lettre où il évoque sa visite de Delphes en janvier 1851, l’écrivain Gustave Flaubert décrit ainsi l’effet produit par le paysage : « Avoir choisi Delphes pour y mettre la Pythie est un coup de génie. C’est un paysage à terreurs religieuses, vallée étroite entre deux montagnes presque à pic, le fond plein d’oliviers noirs, les montagnes rouges et vertes, le tout garni de précipices, avec la mer au fond et un horizon de montagnes couvertes de neige ».

Le cadre saisissant du site de Delphes, marqué par des épisodes naturels violents, climatiques et géologiques, peut en effet expliquer l’institution de l’oracle d’Apollon à Delphes et sa pérennité. Accroché aux falaises Phédriades, dans le massif du Parnasse, entre 500 et 700 m d’altitude, le site présente une forte déclivité naturelle, de 35 % en moyenne, ce qui a imposé dès les débuts de l’occupation un aménagement en terrasses. La région dans laquelle il se trouve, au nord du golfe de Corinthe, est soumise à l’activité sismique la plus importante d’Europe, dans un contexte de failles actives.

Très rapidement, l’oracle est consulté par d’autres Grecs que les Delphiens, venus de Sparte, de Corinthe ou de Chalcis. Le mouvement de colonisation des cités grecques dans l’ensemble du bassin méditerranéen et le développement des concours pythiques à l’époque archaïque entérinent ce succès.

Sanctuaire à caractère d’abord régional, Delphes acquiert ainsi au cours des VIIIe et VIIe siècles avant J.-C. une dimension panhellénique et dépasse, peu à peu, les frontières du monde grec. En témoignent notamment l’origine géographique des offrandes des cités et celle des pèlerins, venus d’Asie Mineure, du Proche-Orient, de Grande-Grèce ou d’ailleurs en Méditerranée occidentale. Le sanctuaire d’Apollon devient un centre religieux et culturel du monde grec, où la consultation oraculaire s’impose avant la prise de toute décision importante, que celle-ci concerne l’individu ou la communauté.

Le temple d'Apollon

Les vestiges du temple d’Apollon à Delphes
Les vestiges du temple d’Apollon à Delphes ©C. Bichard

Sur la terrasse principale du sanctuaire s’élève le célèbre temple d’Apollon, où la Pythie recevait les paroles du dieu pour les transmettre aux pèlerins. Décrit par Pausanias au IIe siècle après J.-C., cet édifice a connu, avant notre ère, plusieurs états antérieurs.

Après les sanctuaires mythiques dédiés à Apollon, trois temples de pierre se sont en effet succédé et ont laissé chacun des vestiges. Le premier, datant du VIIe siècle avant J.-C., brûla accidentellement en -548 : l’archéologie a permis de découvrir des blocs en remploi et des tuiles. Après l’incendie, un vaste chantier se mit en place, prévoyant un agrandissement considérable de l’espace sacré, avec une vaste terrasse dévolue au temple et à ses abords, l’Apollonion. La construction du deuxième temple (achevée à la fin du VIe siècle avant J.-C.) a laissé un décor sculpté en marbre (fronton est avec l’arrivée d’Apollon et lions-gargouilles) et en pierre tendre (Gigantomachie).

Enfin, le dernier temple, bâti au IVe siècle avant notre ère et décrit ensuite par Pausanias, exalte les liens entre Apollon et Dionysos, le dieu qui séjourne à Delphes en hiver. Sa reconstruction est documentée par les comptes qui ont été gravés. C’est un temple dorique, entouré d’une colonnade de six colonnes en façade et de quinze sur les côtés. Il comprend un vestibule (pronaos) avec le célèbre « E » de Delphes et les maximes des Sept sages, une cella dont la partie postérieure était l’adyton où la pythie rendait les oracles et, à l’arrière, l’opisthodome qui abritait une grande statue connue par des monnaies d’époque impériale.

Si les recherches menées depuis plus de cent ans ont permis de restituer avec une certaine assurance l’aspect extérieur des deux derniers temples, les archéologues de la Grande Fouille (1892-1902) ne cachèrent toutefois pas leur déception en découvrant un grand trou béant à l’endroit où se trouvait l’antre de la Pythie, sur lequel des générations d’artistes et d’érudits avaient fantasmé…

Qui étaient les mystérieuses « Pythie » ?

Au cœur de l’activité du sanctuaire se trouve la Pythie. Immortalisée par la littérature antique, cette figure de prophétesse a fasciné les hommes, des Grecs à aujourd’hui.

Durant presque un millénaire, des centaines de femmes se succédèrent sur le trépied d’Apollon pythien pour rendre son oracle et être « celles qui parlent pour lui ». À l’époque archaïque (VIIIe-VIe siècle avant J.-C.), la Pythie ne rendait d’oracles qu’une fois par an, le jour de la naissance d’Apollon. Mais le succès du sanctuaire aurait conduit à des consultations mensuelles voire à la désignation de plusieurs Pythies en même temps.

Nous ne savons presque rien de ces femmes. Choisies par les prêtres d’Apollon parmi les familles les plus respectables de Delphes, c’étaient à l’origine des jeunes filles vierges. Diodore nous apprend cependant qu’à la suite d’un rapt, on aurait ensuite privilégié les femmes d’âge mûr. À l’époque impériale, des inscriptions nous révèlent que des Pythies ont été mariées et ont eu des enfants avant d’être choisies pour l’oracle.

Pour la consultation oraculaire, la Pythie devait se purifier en jeûnant et en se lavant dans la source Castalie. Les consultants, eux aussi purifiés, entraient alors dans le temple et, selon leur rang, étaient autorisés ou non à approcher pour s’adresser eux-mêmes à la Pythie et entendre la réponse d’Apollon de la bouche de sa prêtresse. Les sources antiques indiquent que la Pythie voyait les consultants, mais rien n’indique que la réciproque était vraie…

Si les oracles nous sont parvenus par centaines, grâce à la littérature antique et des inscriptions sur pierre, seules ont été véritablement consignées les consultations politiques. La Pythie devint ainsi un véritable acteur politique, que certains soupçonnèrent de parti pris en l’accusant d’être favorable tantôt aux Perses, tantôt aux Spartiates ou aux Macédoniens.

Des offrandes monumentales

Le trésor des Athéniens à Delphes
Le trésor des Athéniens © L. Domenach

Les individus ou communautés adressaient à Apollon une consécration afin de jouir de sa faveur et le remercier de son oracle. Il pouvait s’agir de statues ou d’édifices, érigés à la demande de communautés ou de souverains. Le « trésor » désigne ainsi le type le plus courant de monument à Delphes, attesté par une trentaine d’exemples. Les trésors pouvaient être de simples édifices ou reprendre le plan et l’élévation d’un petit temple ; propres à chaque cité, ils en conservaient les offrandes précieuses.

Parmi les statues les plus célèbres, figure la Sphinge de Naxos juchée sur une colonne qui dépassaient les douze mètres. Les recherches et reconstitutions archéologiques publiées dans le numéro d’Archéologia à paraître en septembre 2022, viennent de montrer que les « danseuses » de Delphes, qui ont inspiré Debussy, perchées elles aussi sur une colonne, étaient en fait des caryatides portant un trépied abritant lui-même un œuf symbolisant l’omphalos, le « centre du monde ». Ces offrandes qui se sont accumulées au fil des siècles ont profondément redéfini le paysage du sanctuaire et lui ont conféré son visage actuel.

Place aux concours sportifs et musicaux !

Le théâtre de Delphes
Le théâtre de Delphes © L. Domenach

Les Pythia, organisées tous les quatre ans depuis 582 avant J.-C., comprenaient, outre des épreuves athlétiques et hippiques, des concours musicaux – une particularité propre à Delphes. Ceci explique la présence à l’origine d’un odéon parmi les monuments, qui fut remplacé par un théâtre au IIe siècle avant notre ère, grâce à la générosité du roi de Pergame. Apollon, dieu des arts, avait comme attribut la lyre. De très nombreux comédiens, musiciens et athlètes affluaient ainsi régulièrement vers Delphes de l’ensemble du bassin méditerranéen.

Outre le théâtre, ces concours ont conduit à l’aménagement d’espaces spécialement conçus pour l’organisation des différentes épreuves athlétiques et hippiques, à savoir un hippodrome et un stade, mais aussi un gymnase dévolu à l’entraînement des concurrents.

La construction de ces ensembles dans un environnement aussi abrupt a représenté un véritable défi. Le terrain était par endroit si pentu qu’il fallut élever de hauts murs de soutènement, notamment pour former les deux immenses esplanades du gymnase.

Le stade a pu être entièrement dégagé lors de la Grande Fouille, et constitue l’un des exemples les mieux conservés dans l’ensemble du monde antique. Une importante série d’inscriptions relatives au stade et au gymnase, essentiellement des comptes associés à leur construction et à leur entretien, nous sont également parvenus. La possibilité de croiser des données archéologiques et textuelles constitue ainsi un observatoire privilégié pour l’étude de l’équipement architectural consacré à l’entraînement et aux concours dans l’Antiquité.

 

Pour en savoir plus :

  • Le Dossier d’Archéologie n°411 sur « Delphes, redécouverte d’un sanctuaire millénaire », conçu avec les meilleurs spécialistes du sujet, professeurs d’archéologie grecque et maîtres de conférences
  • Archéologia n°612, avec un grand dossier sur Delphes et les 130 ans de résultats de recherche. À paraître en septembre 2022, disponible en ligne et en kiosque

Nouveauté ! Découvrez désormais des articles d’Archéologia en ligne

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus
Allemagne
Goodbye, Lenin !, voyage cinématographique en RDA

Goodbye, Lenin ! - voyage au temps de la RDA

Par Flavie Thouvenin

Berlin-Est, le 7 octobre 1989. Alors qu’elle s’apprête à aller fêter le 40e anniversaire de la RDA, célébré en grande pompe au palais de la République, Christiane Kerner s’effondre, victime d’une crise cardiaque. Lorsqu’elle se réveille d’un long coma, 8 mois plus tard, le monde a basculé. Le mur est tombé, le bloc de l’Est a sombré et la République démocratique allemande n’est plus. Berlin-Est se transforme, retrouve sa liberté et succombe au capitalisme effréné de l’ouest. Dans ses rues, les voitures occidentales font jouer leurs klaxons, sur les murs les publicités aux couleurs des plus grandes marques s’affichent en grand format, remplaçant les portraits et statues de Marx et Lénine, dans les supermarchés les produits venus de l’Ouest abondent dans les rayons, et partout un vent de liberté se fait sentir, après plusieurs décennies d’un régime sans concessions. Mais pour éviter tout nouveau choc – qui cette fois pourrait bien lui être fatal – à leur mère qui s’était dévouée cœur et âme à son pays, son fils Alexander, aidé par sa sœur Ariane et leur entourage, décide de lui cacher la vérité…

Image du film Goodbye, Lenin !
© Goodbye, Lenin !

Les vestiges du passé

Sorti dans les salles obscures en 2003, réalisé par Wolfgang Becker à partir d’un scénario de Bernd Lichtenberg, Goodbye, Lenin ! illustre le bouleversement du passage d’une société au socialisme autoritaire à celle d’une démocratie au capitalisme effréné. À quoi ressemblait le quotidien des citoyens est-allemands ? Quelle vie après la chute du Mur ? Dès les premières minutes du film, le spectateur remonte le temps depuis les grandes avenus de Berlin-Est, le long des imposants immeubles de ce style typiquement soviétique de la Karl-Marx-Allee, avec les fameux Kino International et Café Moskau, jusqu’à l’Alexanderplatz, centre névralgique de la capitale et vitrine de l’architecture à la mode socialiste de la fin des années 60-début des années 70, dominée par son emblématique tour de la Télévision (Fernsehturm) qui culmine à 368 m de haut.

Souvent décrite comme grise et austère, Berlin-Est est à l’image du rigorisme de l’État : la République démocratique allemande n’a en effet de démocratique que le nom… Ses citoyens ont interdiction de circuler hors ses frontières sans autorisation spéciale, le Parti règne en maître et la population est sous constante surveillance, abreuvée par la propagande martelée par les médias. Certains citoyens se risquent quand même à « passer à l’ouest » comme on dit, comme Robert, le mari de Christiane, disparu en août 1978, et dont l’ombre plane tout au long du film…

Alexanderplatz et la tour de la Télévision
Alexanderplatz et la tour de la Télévision © F. Thouvenin
L’architecture soviétique de la Karl Marx Allee
L’architecture soviétique de la Karl Marx Allee © F. Thouvenin

Une propagande bien huilée

Le pays a ses héros, témoins de la grandeur est-allemande : l’enfance d’Alexandre est ainsi bercée par les exploits du cosmonaute Sigmung Jähn, premier allemand dans l’espace, qu’il adule. Les sportifs font également office de vitrine du modèle social soviétique, et les équipes d’Allemagne de l’Est dominent les plus grandes compétitions sportives du globe, de l’athlétisme à la natation (on se souvient des exploits des imposantes nageuses est-allemandes, dopées par quelques substances illicites…), en passant par le cyclisme et l’haltérophilie, entre autres.

Les sportifs de haut niveau sont de véritables « diplomates en survêtement », comme le veut l’expression ! Mais l’organe de propagande préféré du Parti, ce sont d’abord les médias, en particulier la télévision. Les chaînes d’État ont leurs émissions cultes, notamment le magazine d’information Aktuelle Kamera, rendez-vous immanquable des soirées est-allemandes : à son réveil, c’est le premier programme que Christiane demande à regarder ! L’émission faisant alors office de fil d’Ariane tout au long du film, son fils trafiquant d’anciens numéros pour les rediffuser, ni-vu ni-connu, à sa mère, dans le confort de sa chambre, récréée de toute pièce à la mode de la RDA !

Le goût d'autrefois

Papier peint dans la tendance de l’époque, vaisselle et objets typiques de l’Est ont retrouvé leur place sur les étagères, les traces de la nouvelle vie à l’occidentale ayant été gommée entre les murs de l’appartement familial. Pour Christiane, la RDA est intacte, elle en retrouve le goût jusque dans l’assiette : Alexandre, le fils, court les épiceries pour mettre la main sur les derniers produits est-allemands typiques – les cornichons de Spreewald, le Mocca Fix, café instantané incontournable du petit déjeuner… Et lorsque la petite famille décide d’aller passer quelques jours au grand air dans la datcha familiale, c’est en Traban, bien sûr, que se fait le trajet !

Derrière le mensonge, deux mondes s’affrontent : Ariane, la sœur, et son compagnon, vivent à la mode occidentale, quand Alex nage en pleine nostalgie… Ment-il pour préserver sa mère, ou se ment-il à lui-même ? Bien plus qu’une plongée dans le quotidien des est-allemands, Goodbye, Lenin ! explore la confrontation de deux visions du monde et les paradoxes de la chute de la dictature, entre effervescence d’une nouvelle vie pleine de promesses, placée sous le signe de la liberté, et ostalgie*. Il faut dire que la chute du Mur et le virage capitaliste qui s’en est suivi à l’Est n’a pas été l’eldorado rêvé… Une comédie dramatique à ne pas manquer, par ailleurs multi-distinguée sur la scène cinématographique européenne (Deustcher Filmpreis, Blaue Engel du Festival international du film de Berlin, Prix du cinéma européen, César et Goya du meilleur film européen).

*Néologisme formé à partir des mots ost (est, en allemand) et nostalgie, l’ostalgie désigne la nostalgie de la RDA ressentie par les anciens Allemands de l’Est.

_______________________________________________

Dernières traces de Berlin-Est

Quelques lieux incontournables à visiter dans les rues de la capitale allemande réunifiée pour prendre le pouls de l’histoire et nager en pleine nostalgie

Le long du Mur

Si la majeure partie du mur de Berlin a été détruite, il demeure encore aujourd’hui quelques vestiges du mur de séparation érigé durant l’été 1961. L’East Side Gallery, portion d’1,3 km, est la plus longue et la mieux conservée, investie par les artistes de street art dès 1989. Certaines œuvres évoquent le passé des lieux, comme le fameux Baiser de l’amitié entre Léonid Brejnev et Erich Honecker, peint par l’artiste Dimitri Vrubel.

Le musée de la RDA

Au cœur de Berlin, à deux pas de l’île aux Musées, un musée fait office de machine à remonter le temps ! Appartement de cinq pièces recrée dans le plus pur style est-allemand, simulateur de conduite dans une Traban d’origine, objets d’époque, affiches de propagande, extraits d’émissions de radio et de télévision… le DDR Museum propose de manière ludique et interactive une plongée au cœur de la vie quotidienne des habitants d’Allemagne de l’Est.

Le musée de la Stasi

Plus sombre, le musée de la Stasi, situé dans l’ancien bâtiment du ministère de la Sûreté de la RDA, propose de comprendre le système de surveillance et de répression de l’ancien État. Sur trois étages, l’exposition permanente retrace les méandres de l’organisation de la police politique de l’État, du renseignement au système d’espionnage et de contre-espionnage. Une visite indispensable pour mieux appréhender cette période troublée de l’histoire allemande. 

Checkpoint Charlie

L’un des points de contrôle établis lors de la partition de Berlin suite à la Seconde Guerre mondiale. Checkpoint Charlie servait au passage des diplomates, des étrangers et des prisonniers entre l’Est et l’Ouest. Une partie du checkpoint a été conservé comme lieu de mémoire à la chute du Mur et est devenu un point de passage obligé de tout bon touriste dans la capitale allemande !

Checkpoint Charlie de nos jours © F. Thouvenin
Le Baiser de l’amitié, fresque phare de l’East Side Gallery © F. Thouvenin

En savoir plus

  • Sur le film

La bande annonce : https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=52715.html

 

  • Sur la RDA

« Les fantômes de la RDA », documentaire FranceTV donnant la parole à d’anciens citoyens est-allemands : https://www.dailymotion.com/video/x7nt4j0

Site archivant la plus grande collection de films familiaux témoignant la vie en RDA : https://open-memory-box.de/

 

À découvrir avec l’escapade Arts et Vie : Berlin en famille

Partager cet article

Durée
Prochain départ
Thématique
Lire plus

Goodbye, Lenin ! - voyage au temps de la RDA

Par Flavie Thouvenin

Berlin-Est, le 7 octobre 1989. Alors qu’elle s’apprête à aller fêter le 40e anniversaire de la RDA, célébré en grande pompe au palais de la République, Christiane Kerner s’effondre, victime d’une crise cardiaque. Lorsqu’elle se réveille d’un long coma, 8 mois plus tard, le monde a basculé. Le mur est tombé, le bloc de l’Est a sombré et la République démocratique allemande n’est plus. Berlin-Est se transforme, retrouve sa liberté et succombe au capitalisme effréné de l’ouest. Dans ses rues, les voitures occidentales font jouer leurs klaxons, sur les murs les publicités aux couleurs des plus grandes marques s’affichent en grand format, remplaçant les portraits et statues de Marx et Lénine, dans les supermarchés les produits venus de l’Ouest abondent dans les rayons, et partout un vent de liberté se fait sentir, après plusieurs décennies d’un régime sans concessions. Mais pour éviter tout nouveau choc – qui cette fois pourrait bien lui être fatal – à leur mère qui s’était dévouée cœur et âme à son pays, son fils Alexander, aidé par sa sœur Ariane et leur entourage, décide de lui cacher la vérité…

Image du film Goodbye, Lenin !
© Goodbye, Lenin !

Les vestiges du passé

Sorti dans les salles obscures en 2003, réalisé par Wolfgang Becker à partir d’un scénario de Bernd Lichtenberg, Goodbye, Lenin ! illustre le bouleversement du passage d’une société au socialisme autoritaire à celle d’une démocratie au capitalisme effréné. À quoi ressemblait le quotidien des citoyens est-allemands ? Quelle vie après la chute du Mur ? Dès les premières minutes du film, le spectateur remonte le temps depuis les grandes avenus de Berlin-Est, le long des imposants immeubles de ce style typiquement soviétique de la Karl-Marx-Allee, avec les fameux Kino International et Café Moskau, jusqu’à l’Alexanderplatz, centre névralgique de la capitale et vitrine de l’architecture à la mode socialiste de la fin des années 60-début des années 70, dominée par son emblématique tour de la Télévision (Fernsehturm) qui culmine à 368 m de haut.

Souvent décrite comme grise et austère, Berlin-Est est à l’image du rigorisme de l’État : la République démocratique allemande n’a en effet de démocratique que le nom… Ses citoyens ont interdiction de circuler hors ses frontières sans autorisation spéciale, le Parti règne en maître et la population est sous constante surveillance, abreuvée par la propagande martelée par les médias. Certains citoyens se risquent quand même à « passer à l’ouest » comme on dit, comme Robert, le mari de Christiane, disparu en août 1978, et dont l’ombre plane tout au long du film…

Alexanderplatz et la tour de la Télévision
Alexanderplatz et la tour de la Télévision © F. Thouvenin
L’architecture soviétique de la Karl Marx Allee
L’architecture soviétique de la Karl Marx Allee © F. Thouvenin

Une propagande bien huilée

Le pays a ses héros, témoins de la grandeur est-allemande : l’enfance d’Alexandre est ainsi bercée par les exploits du cosmonaute Sigmung Jähn, premier allemand dans l’espace, qu’il adule. Les sportifs font également office de vitrine du modèle social soviétique, et les équipes d’Allemagne de l’Est dominent les plus grandes compétitions sportives du globe, de l’athlétisme à la natation (on se souvient des exploits des imposantes nageuses est-allemandes, dopées par quelques substances illicites…), en passant par le cyclisme et l’haltérophilie, entre autres.

Les sportifs de haut niveau sont de véritables « diplomates en survêtement », comme le veut l’expression ! Mais l’organe de propagande préféré du Parti, ce sont d’abord les médias, en particulier la télévision. Les chaînes d’État ont leurs émissions cultes, notamment le magazine d’information Aktuelle Kamera, rendez-vous immanquable des soirées est-allemandes : à son réveil, c’est le premier programme que Christiane demande à regarder ! L’émission faisant alors office de fil d’Ariane tout au long du film, son fils trafiquant d’anciens numéros pour les rediffuser, ni-vu ni-connu, à sa mère, dans le confort de sa chambre, récréée de toute pièce à la mode de la RDA !

Le goût d'autrefois

Papier peint dans la tendance de l’époque, vaisselle et objets typiques de l’Est ont retrouvé leur place sur les étagères, les traces de la nouvelle vie à l’occidentale ayant été gommée entre les murs de l’appartement familial. Pour Christiane, la RDA est intacte, elle en retrouve le goût jusque dans l’assiette : Alexandre, le fils, court les épiceries pour mettre la main sur les derniers produits est-allemands typiques – les cornichons de Spreewald, le Mocca Fix, café instantané incontournable du petit déjeuner… Et lorsque la petite famille décide d’aller passer quelques jours au grand air dans la datcha familiale, c’est en Traban, bien sûr, que se fait le trajet !

Derrière le mensonge, deux mondes s’affrontent : Ariane, la sœur, et son compagnon, vivent à la mode occidentale, quand Alex nage en pleine nostalgie… Ment-il pour préserver sa mère, ou se ment-il à lui-même ? Bien plus qu’une plongée dans le quotidien des est-allemands, Goodbye, Lenin ! explore la confrontation de deux visions du monde et les paradoxes de la chute de la dictature, entre effervescence d’une nouvelle vie pleine de promesses, placée sous le signe de la liberté, et ostalgie*. Il faut dire que la chute du Mur et le virage capitaliste qui s’en est suivi à l’Est n’a pas été l’eldorado rêvé… Une comédie dramatique à ne pas manquer, par ailleurs multi-distinguée sur la scène cinématographique européenne (Deustcher Filmpreis, Blaue Engel du Festival international du film de Berlin, Prix du cinéma européen, César et Goya du meilleur film européen).

*Néologisme formé à partir des mots ost (est, en allemand) et nostalgie, l’ostalgie désigne la nostalgie de la RDA ressentie par les anciens Allemands de l’Est.

_______________________________________________

Dernières traces de Berlin-Est

Quelques lieux incontournables à visiter dans les rues de la capitale allemande réunifiée pour prendre le pouls de l’histoire et nager en pleine nostalgie

Le long du Mur

Si la majeure partie du mur de Berlin a été détruite, il demeure encore aujourd’hui quelques vestiges du mur de séparation érigé durant l’été 1961. L’East Side Gallery, portion d’1,3 km, est la plus longue et la mieux conservée, investie par les artistes de street art dès 1989. Certaines œuvres évoquent le passé des lieux, comme le fameux Baiser de l’amitié entre Léonid Brejnev et Erich Honecker, peint par l’artiste Dimitri Vrubel.

Le musée de la RDA

Au cœur de Berlin, à deux pas de l’île aux Musées, un musée fait office de machine à remonter le temps ! Appartement de cinq pièces recrée dans le plus pur style est-allemand, simulateur de conduite dans une Traban d’origine, objets d’époque, affiches de propagande, extraits d’émissions de radio et de télévision… le DDR Museum propose de manière ludique et interactive une plongée au cœur de la vie quotidienne des habitants d’Allemagne de l’Est.

Le musée de la Stasi

Plus sombre, le musée de la Stasi, situé dans l’ancien bâtiment du ministère de la Sûreté de la RDA, propose de comprendre le système de surveillance et de répression de l’ancien État. Sur trois étages, l’exposition permanente retrace les méandres de l’organisation de la police politique de l’État, du renseignement au système d’espionnage et de contre-espionnage. Une visite indispensable pour mieux appréhender cette période troublée de l’histoire allemande. 

Checkpoint Charlie

L’un des points de contrôle établis lors de la partition de Berlin suite à la Seconde Guerre mondiale. Checkpoint Charlie servait au passage des diplomates, des étrangers et des prisonniers entre l’Est et l’Ouest. Une partie du checkpoint a été conservé comme lieu de mémoire à la chute du Mur et est devenu un point de passage obligé de tout bon touriste dans la capitale allemande !

Checkpoint Charlie de nos jours © F. Thouvenin
Le Baiser de l’amitié, fresque phare de l’East Side Gallery © F. Thouvenin

En savoir plus

  • Sur le film

La bande annonce : https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=52715.html

 

  • Sur la RDA

« Les fantômes de la RDA », documentaire FranceTV donnant la parole à d’anciens citoyens est-allemands : https://www.dailymotion.com/video/x7nt4j0

Site archivant la plus grande collection de films familiaux témoignant la vie en RDA : https://open-memory-box.de/

 

À découvrir avec l’escapade Arts et Vie : Berlin en famille

Partager cet article